Canon à cent voix

Mésange charbonnière

Ils viennent nous réveiller à l’aube depuis quelques semaines… les oiseaux du printemps ! C’est le moment ou jamais d’apprendre à reconnaître leurs chants grâce aux vidéos très pédagogiques de Julien Perrot, fondateur et rédacteur en chef de la revue nature La Salamandre.

Pierrefonds, le 27 mars 2022

Chère guide,

Un petit mot pour partager avec toi la joie du printemps, plongée dans l’harmonie du canon à cent voix. Le canon à cent voix ?… Mais oui : cette partition immuable et toujours nouvelle jouée par les oiseaux du ciel lorsque la nature renaît. En as-tu déjà remarqué l’artistique agencement ?

Les perce-neige ont fleuri tard cette année, mais cela n’a pas empêché les mésanges charbonnières et leurs cousines bleues de s’égosiller dès le début du mois de février. Ces passereaux impatients sont traîtres car ils nous donnent des envies de printemps alors que l’hiver n’est pas décidé à s’en aller. Ils ont au moins le mérite d’égayer les jours gris et humides qui, en Picardie, ont la fâcheuse habitude de traîner en longueur. 
Le merle et le rouge-gorge, qui ont, eux, continué à siffler épisodiquement pendant l’hiver, ne veulent pas être en reste et lâchent la bride à leur syrinx. L’un est flamboyant, l’autre poétique, et jonquilles et primevères s’installent dans les prés et les sous-bois.
C’est alors que la grive musicienne entre dans le concert ; dans les bois ou les bosquets, son appel musical résonne à la cime des arbres encore nus. Les colvert reviennent, les haies blanchissent des premières fleurs de l’épine noire, la fauvette raconte sa vie à qui veut l’entendre et ne parlons même pas de cet excité de pinson.
Ce n’est qu’une mise en bouche. L’hiver n’a pas dit son dernier mot, il fait toujours froid et rien n’est encore gagné.

Le printemps, chez moi, commence vraiment au chant du faisan, généralement entre la troisième semaine de février et la première de mars, la période de la sève de bouleau, en gros. Cette année, ce paresseux s’est fait attendre jusqu’au 13 mars !
Lorsque retentit son caquètement de vieux clairon trouvé dans un grenier, c’est que les beaux jours frappent à la porte. Il ouvre ou annonce une période ensoleillée et tiède d’une à plusieurs semaines durant laquelle la nature accélère son réveil : le pivert tambourine à tous les échos pour marquer son territoire, le pouillot véloce compte ses sous avec acharnement, les anémones piquent de blanc les sous-bois, aussitôt rejointes par les pervenches.

Enfin, les hirondelles – qui ne font donc pas le printemps ! – arrivent quand le soleil est bien installé. Leurs cris stridents vrillent l’air depuis hier ; il est déjà presque trop tard pour la cardamine hérissée mais l’alliaire est en plein essor.
Alors que je t’écris ces lignes, de retour d’une cueillette d’orties, j’entends crépiter au faîte des toits d’ardoises le chant des premiers queues-rousses.

Il faudra attendre encore quelques semaines, entre pluie et soleil, pour que les arbres se parent de leur habit vert et que la brume bleue des jacinthes des bois remplace les étoiles d’anémones.

Et toi ? Saurais-tu me raconter le printemps de chez toi ? T’es-tu intéressée de près à ses merveilles sonores et colorées ? Pourrais-tu dire, comme savent le faire les vieux paysans, ce qui est en retard ou en avance ? Sais-tu où cueillir telle plante, où écouter tel oiseau, autour de ton village ? Mieux connaître le petit coin de France où tu habites, c’est aussi mieux l’aimer, et mieux aimer le Créateur de ces merveilles, le Chef d’orchestre du canon à cent voix.

Fraternellement.

PS : si tu veux enrichir ton vocabulaire nature, découvre dans cet article les verbes particuliers qui désignent chants d’oiseaux ou cris d’animaux !

Laisser un commentaire